Lettre de Mademoiselle Marguerite Coll, sœur de l’abbé Coll adressée au Padre Himalaya
(Probablement début Avril 1905)
Quelle joie, Grand Dieu, nous avons tous
éprouvée de vous lire, mon bien cher Monsieur Himalaya. Non, jamais
vous ne comprendrez combien il nous a été bon de recevoir de vos
nouvelles.
Nous étions à table lorsqu’on nous a remis votre charmante
missive, nous n’avons pas pu continuer à manger, tant nous avons eu le
cœur serré de joie de nous voir une de vos lettres entre nos mains.
Vous auriez du être témoin de cette scène pour avoir une idée de notre
surprise ! Ce qui nous étonne par-dessus tout, mon bien cher Abbé,
c’est que vous avez pu vous permettre et de supposer que vous étiez
passé dans le livre des oubliettes !
Nous, qui ne cessons de parler de vous et qui attendions avec la
plus vive impatience une de vos lettres qui nous permit de connaître
votre adresse pour vous écrire aussitôt. Après plus de trois ans d’un
profond silence, elle est enfin arrivée. Que Dieu en soit loué !
Dans le courant de l’hiver, nous avons eu notre
bien chère maman à toute extrémité, une nuit, mon frère lui porta le
saint Viatique, nous n’étions que tous les deux, au chevet du lit d’une
mère mourante. Oh ! Quelle agonie pour notre pauvre cœur, ce fut
peut-être cette même nuit que vous eûtes de si tristes pressentiments.
Depuis que le temps s’est mis au beau, elle va de mieux en mieux tout
en restant d’une faiblesse extrême vu ses quatre vingt ans, il ne peut
guère en être autrement. Ne nous oubliez pas auprès du bon Dieu afin
qu’il daigne nous donner le courage et la force de supporter sans
nous plaindre toutes les épreuves qu’il voudra bien nous envoyer, qu’il
nous trouve toujours prêts à nous écrier : ( ? )
L’année dernière, pendant les grandes vacances,
je fus à Sorède voir mes nombreuses amies, en particulier Mademoiselle
Taix, laquelle se porte très bien. Nous montâmes au Castell, où
tout nous parle de vous. Dans nos conversations nous prononcions
souvent votre nom !
Elle n’a plus depuis longtemps déjà Maritou à son service. Elle a
une jeune bonne de Sorède, aussi cette pauvre femme était trop
âgée…Elle vit avec ses deux fils dont l’un habite Perpignan et l’autre
Sorède ; Et pendant que Melle Taix est en vacance, elle va avec ce
dernier afin de jouir l’une de l’autre. Depuis un an, elle a sa nièce
avec elle, monsieur l’inspecteur lui donna sur sa demande, Angèle comme
adjointe, de sorte que marraine et filleule vivent comme deux reines en
attendant qu’il se présente un futur époux digne d’elles.
Nous sommes toujours en correspondance avec la bonne et aimable
famille Piserra, nous avons de temps à autre la visite de Sorèdiens.
Dernièrement nous eûmes celle de sœur Marie Blanche ( ) elle habite ( ) avec sa mère.
La pauvre sœur Pélagie qui était réfugiée dans
un autre couvent ( ) est revenue à Sorède ouvrir une école
enfantine, et nous, que deviendrons nous avec tout ce qui se passe dans
notre misérable France ! et tout ce qui se prépare de triste et de
désespérant !
Nous ne savons absolument rien d’Espérance ni de
son mari. Ici, nous les avons perdus de vue, le pauvre Parou est
toujours ermite au Castell, dès qu’on lui parle de mon frère, il se met
à pleurer, pauvre homme, il le regrette de plus en plus. Monsieur
Vassal a été réélu maire.
La semaine prochaine, mon frère verra monsieur Payret, il se dispose à lui transmettre toutes vos amitiés.
A mon tour, je vais écrire à Melle Taix pour lui dire mille et mille choses aimables de votre part.
Par les temps qui courent, nous sommes heureux d’être à Saint
Hippolyte, mon frère vit dans la plus grande tranquillité car il ne
s’occupe nullement de politique. Ni de journaux, c’est ce qu’il a de
mieux à faire.
Je doute, mon bien cher Mr Himalaya que vous puissiez me lire,
j’ai la vue à force de pleurer bien fatiguée et puis beaucoup de
besogne !
Nous avons eu un prédicateur durant trois jours,
les quarante heures, la semaine prochaine il nous en arrive un autre
pour prêcher la passion, nous l’aurons celui là jusqu’à Pâques. Le
vendredi soir, ils ont 150 hommes à confesser, pendant le jour toutes
les femmes et les enfants, ce n’est jamais fini pour la piété il n’y a
pas de comparaison avec Sorède. Mon frère vous aurait écrit en même
temps que moi, mais il est tellement occupé qu’il le fera dans le
courant de la semaine prochaine
Au mois de mai, nous aurons Monseigneur qui vient donner la communion, encore du travail pour la pauvre Marguerite.
Vous, que nous recevions avec tant de plaisir, nous ne nous
reverrons peut être jamais plus. Donnez nous au moins de vos nouvelles,
ne restez pas trois ans encore sans nous donner signe de vie.
« Pourquoi ces timbres wilaim »
Maman vous dit les choses les plus aimables. Mon frère vous écrira longuement et moi, je vous envoie mon meilleur souvenir.
Bien à vous
Et toujours dévouée, Marguerite