VEF Blog

Titre du blog : Les amis du Padre Himalaya
Auteur : himalaya
Date de création : 14-06-2008
 
posté le 01-09-2008 à 09:52:27

Documents d'époque...(suite) Sorède 1900...(6) Documents d'époque...

Association : « Les Amis du Padre Himalaya de Sorède »
            DOCUMENT N°6 :  Ce document nous a été communiqué par notre ami, le professeur Jacinto Rodrigues de l’Université de Porto le vendredi 17 novembre 2006 par CD. Archivé sur ordinateur par Antoine et Marie Sanchez le 23 novembre 2006.
            Cette lettre démontre très fortement la sincère amitié qui existait entre l’abbé Coll et le Padre Himalaya. Un document qui nous replonge dans l’ambiance très particulière de l’époque à Sorède. C’est un témoignage qui nous a semblé très utile, pour tous ceux qui s’intéressent à l’œuvre du Padre Himalaya…………………………………Antoine Sanchez.       
                       
Lettre de l’abbé Coll au Padre Himalaya
(L’abbé Coll a été curé de la paroisse de Sorède durant une douzaine d’années avant d’être nommé à Saint Hippolyte. L' abbé Coll nous révèle aussi dans cette lettre les relations qui existaient entre lui et le maire de Sorède de l'époque, Achille Vassal).

Portrait d’Achille Vassal (archive famille)

 
 
 
Saint Hippolyte le 17 avril 1905
 
            Mon très cher inoublié et inoubliable ami…….
 
            Vous avez fait attendre un temps démesurément long, votre dernière lettre. Peut-être avez  vous oublié que vous m’aviez promis en m’écrivant de Lisbonne, il y a près de 3 ans, de me confirmer les excellentes nouvelles de votre seconde « machine » par l’envoi d’une ou plusieurs photographies.
Et j’attendais, j’attendais d’abord avec une vive impatience, ensuite avec inquiétude, ce qui n’est pas encore venu ! A cause de cette absence de nouvelles réconfortantes, j’inclinai à penser que vous aviez été malchanceux dans votre entreprise, et que vous aviez désespéré de pouvoir arriver au but de votre courageuse initiation.
            Parfois, je me reprenais à espérer recevoir ou lettre ou paquet de photographies. Demain peut-être me disais-je, ou plutôt, nous disions en famille, le bien-aimé révérend Himalaya nous ménagera la surprise agréable entre toutes, d’un succès complet et surtout de son glorieux triomphe.
Mais non, le à demain attendu restait toujours le à demain à venir, et nous nous attristions de votre silence, n’osant pas l’interrompre par crainte de raviver votre découragement ou votre désespérance.
Mon Dieu ! que de jours, que de mois douloureux vous nous avez procurés. Hélas ! En nous tenant ainsi le bec non plus dans l’eau mais dans le feu d’une incessante et cruelle préoccupation à votre sujet.
De votre côté, vous devez rétorquer mon argument et vous dire que nous eussions mieux fait de vous rappeler votre promesse solennelle et toute amicale, au risque de provoquer les explications les plus pénibles ! Que voulez vous, il est des cœurs pusillanimes qui préfèrent rester sous l’impression salutaire d’un espoir non officiellement détruit que de savoir tout perdu sans ressources.
Mais voici que le Bon Dieu (lou bell, pas lou joube) vous a inspiré de venir nous rejoindre sur notre terre de France au moyen d’une missive où transpirent la confiance la moins équivoque et la joie la plus intense.
Le ton de votre lettre, les souvenirs rappelés, les personnages remis sur la scène du « Castell » de Sorède, tout cela nous indique que le ciel est serein en vous, autour de vous, et que la « chaleur solaire » n’est pas seulement au dehors dans la nature, mais au-dedans de vous-même. Dieu soit loué à jamais ! Bénie soit la Sainte et Immaculée Conception que souvent, très souvent nous avons priée, suppliée en votre faveur !
Oh ! Puissiez vous bientôt, bientôt, le plus tôt possible, nous annoncer le succès définitif qui vous dédommageras de tant de fatigues, de veilles, d’insomnies, d’épuisement « scientifique »
            Vous ne doutez pas que ce vœu soit bien sincère et très ardent. Il vous a été donné de nous connaître à Sorède, pour être orienté sur notre affectueuse sympathie envers vous
Et vous êtes aumônier à la Visitation à Washington, aux Etats-Unis d’Amérique. En faites vous du chemin ! en parcourez vous d’étapes, en subissez vous de déplacements onéreux, sinon fastidieux.
Aumônier !! c’est le meilleur qui puisse vous arriver, car en vérité, vous êtes fait, vous semblez n’être fait que pour distribuer à  pleines mains et à plein cœur les trésors de votre intelligence, de votre piété, de votre foi sacerdotale.
Je ne préciserai pas davantage, les ineffables impressions que vous laissâtes là-bas et là-haut à Sorède, et pour mieux dire dans tout le Roussillon (puisqu’on y venait d’un peu partout au Castell pour y voir votre invention et surtout son inventeur !
Quel dommage que vous ne soyez pas « Oncle d’Amérique », je suis certain que vous n’enfouiriez pas vos millions dans un coffre quelconque, mais que vous le placeriez pour une bonne part à fonds perdus dans l’escarcelle des pauvres et dans le tronc des œuvres du zèle, de propagande et de maintien de la foi religieuse !
N’est-il pas vrai mon cher confrère et ami que partout, plus ou moins, mais bien plus en France malheureusement, on meurt de ne pas vivre de la vie chrétienne, de n’être plus en contact avec Dieu, sa loi sainte et ses éternelles récompenses.
Grévistes, apaches, anarchistes, en voilà des titres nouveaux, qui sentent de très loin l’injustice, la haine, la vengeance, la destruction et qui n’auraient pas germé parmi nous, ni d’ailleurs si le sentiment chrétien dominait dans les familles, dans les états.
L’Amérique donne un grand exemple en représentant ouvertement « la Liberté » et en réfrénant la « Licence ». Dieu veuille lui conserver longtemps des gouvernants qui s’inclinent devant la toute Puissance Divine et qui invoquent publiquement la providence de Dieu. Faudrait-il renoncer à vous revoir, mon très cher, parce que vous êtes allé vous échouer si loin, si loin ! Mais non, car vous franchissez si aisément d’incommensurables distances, que pour vous, il n’en est pas de « réelles ». Dans une même année, vous serez peut-être à Paris, à Sorède….. En Afrique, au Portugal, en Angleterre. Comment pourriez vous objecter que c’est pour toujours que vous êtes « amarré » sur la terre hospitalière qui vous a ouvert les bras !
Notre bonne et si allègre maman a sans doute humainement parlant moins de chance de vous retrouver et de vous choyer à nouveau. Peu s’en est fallu le mois dernier, que nous n’eussions le triste et effrayant devoir de l’accompagner au cimetière. Marguerite vous l’a dit dans sa lettre, notre mère est si faible que d’un instant à l’autre, à l’apparition d’une crise de cœur, elle nous sera enlevée pour notre plus grande affliction.
Je crois vous avoir signalé nos avantages moraux et même matériels que m’offre la paroisse de Saint Hippolyte et quand le farouche « Vassal » à l’égoïsme républicain assoiffé d’honneurs et de ….billets de banques prétendait être une paroisse de disgrâce pour moi… Chose surprenante, comme pour le confondre, un mois après mon installation, une brave femme de Sorède, venue ici en visite est morte subitement en mon presbytère. Force nous fut de prévenir la famille qui invita les parents rapprochés ou éloignés à l’enterrement, il n’y eut pas moins de 25 sorédiens et sorédiennes, témoins oculaires, et à obliger par une sorte d’ironie de la providence à venir constater la différence extrêmement avantageuse de ma nouvelle paroisse  d’avec Sorède. Au retour, toute la^paroisse, à N. D. du Castell, fut au courant de notre bien-être à tous les points de vue, et « Môssieur » Vassal piqua un soleil parait-il presque aussi chaud que vos plaques métalliques de votre appareil  
Je conclus de ceci que le Bon Dieu aime et protège les prêtres qui ne sont ni « chiens muets » ni « chiens couchants ».D’ailleurs ce tyran au petit pied à tous les déboires, toutes les avaries, toutes les insultes à …avaler, au point d’en sécher de peur ou de colère. Sorède est en pleine révolution et en complète décomposition morale, grâce aux agissements orgueilleux de ce monstre, mais lui ! il sèche, il sèche comme une peau de tambour et qui sait ! Si sous peu de jours, on ne battra la générale, là-bas pour annoncer Urbi et Orbi, que Vassal Achille est parti pour un royaume… de Satan !...
Très belle église, (presque une cathédrale) , au presbytère coquet, agrémenté d’un superbe jardin où nous cueillons toutes sortes de fruits, abricots, pêches, prunes, cerises, amandes, nèfles, poires d’été et d’hiver etc. Population catholique pratiquante en majorité. Monsieur le Maire, docteur en médecine, fort distingué, donne le bon exemple et est suivi par tous les conseillers municipaux, à la messe, aux processions, (plus de vingt pour l’année) . à la table sainte, au temps de Pâques. Est-ce assez de consolation et de bonheur par le temps qui court ? Il existe des œuvres de zèle et des associations pieuses ; d’où, pas mal de travail pour le curé. Travail allègrement endossé parce qu’il prouve la gloire de Dieu, le bien des amis, et ma joie la plus vive……
Mes paroissiens me gâtent, ils me fournissent le vin pour toute l’année, vin de table et vins fins. En ce moment c’est le tour des asperges de venir chaque jour en bottes magnifiques, s’alignent au presbytère.
Dans l’année, je reçois jusqu’à trois ou quatre prédicateurs du clergé diocésain venant évangéliser ma paroisse S’il n’y avait pas de ressources pour satisfaire à l’obligation de fournir des honoraires à nos confrères, il me faudrait bel et bien endosser toute la charge des prédicateurs.
Aux processions de la fête Dieu, Assomption, Fête des morts, lundi de Pentecôte, Saint Michel, etc. on compte jusqu’à 300 hommes rangés en deux files, à l’égal des femmes et chantant avec entrain les cantiques les plus entraînants et les plus variés.
De l’avis de tous les prêtres du Roussillon, Saint Hippolyte est la meilleure succursale, préférable mieux à une dizaine de chefs lieus de canton. Venez donc en juger de visu, avant que le bon Dieu nous rappelle à lui pour l’éternité, au ciel, nous serons incontestablement et infiniment mieux que dans cette vallée de la ruine où les tristesses, les angoisses, les menaces même abondent comme en France en ce moment, que va- t-il advenir après la séparation de l’église et de l’état, si elle a lieu ?
Assurément l’église a des promesses d’immortalité qui se réalisent sans cesse dans le cours des siècles ; mais la persécution quand elle sévit, peut faire et fait hélas ! De nombreuses victimes.
Elle arrête en partie l’éclosion du bien par la suppression des maisons religieuses, enseignantes ou hospitalières.
Nous espérons cependant que le soutien mènera les choses de façon à ramener à la foi les bons infidèles et à confondre les méchants audacieux, sans trop de rigueur vengeresse.
Monseigneur de Carsalade, bataille ferme et avec une énergie toute apostolique, naguère il traitait publiquement les sectaires qui nous gouvernent et qui préparent des lois si funestes de « voleurs et de bandits », il travaille à l’organisation du « denier du culte » en vue de pourvoir aux besoins de ses prêtres et de les conserver aux paroisses, notre évêque est simplement admirable. Les catholiques Roussillonnais en sont fiers. Si vous lui écriviez, au sujet de vos études et des bons résultats obtenus ? Il vous répondrait quelques lettres magnifiques, avec son grand esprit et son cœur débordant de bonté.
La famille PISERRA reste invariablement dévouée à son ancien curé de Sorède. Elle est venue passer toute une journée ici, Monsieur et madame Piserra, le père Senor Carlos, le beau frère de C. Piserra etc.…Les dernières nouvelles reçues sont excellentes grâce à des achats successifs, leur domaine augmente toujours. Tous me prient et me supplient d’aller passer un mois au moins à Barcelone, à leur demeure princière. Mais vous savez combien je suis esclave du « devoir », et pas encore, après 12 ans d’intimité, je n’ai franchi la frontière espagnole. Plus de nouvelles de Grando et de sa femme. Michel et Espérance !
A cause des occupations à la semaine sainte, j’arrête ici ma causerie passablement longue et vous dis « Au revoir » en personne ou en effigie (photographie par exemple).
 
                                                                                                                                                   Votre très dévoué :
 
                                                                                                                                 L’Abbé Louis COLL.